Les budgets Trudeau

Depuis 2015 maintenant, Justin Trudeau est premier ministre du Canada et plusieurs décisions de sa part auront comme effet de lui tailler une place dans l’histoire politique canadienne. La renégociation de l’ALÉNA sous haute pression avec les États-Unis sera probablement son plus bel accomplissement économique et diplomatique, mais sa gestion économique domestique pourrait lui valoir un tout autre regard. En effet, Trudeau et son ministre des finances Bill Morneau auront enchaîné les déficits budgétaires pour l’entièreté de leurs mandats au moment d’écrire ces lignes. Loin d’être une situation idéale, la situation devient plus problématique lorsque l’on réalise l’ampleur des déficits. 29.6 milliards en 2016 furent annoncé lors du dévoilement du budget par Bill Morneau avec comme thème central l’investissement dans les infrastructures canadiennes. Les gens furent surpris par l’ampleur de la projection après la promesse électorale de déficits modestes de 10 milliards de dollars avant un retour à l’équilibre à la fin du mandat. Fort heureusement, cette prévision était un peu trop pessimiste et la croissance économique aura permis que le déficit n’atteigne que 25.1 milliards. On s’attendait donc à un budget un peu plus modeste en 2017 et ce fut le cas avec un déficit de 19.4 milliards de dollars. On pouvait donc penser que les déficits étaient sous contrôle. L’économie allait bien, le ratio de la dette par rapport au PIB diminuait d’année en année et l’on se faisait à l’idée qu’il fallait effectivement investir dans nos infrastructures. Toutefois, en 2018 le gouvernement libéral continue à dépenser énormément et inscrit un 3e déficit consécutif. Cette fois, le solde budgétaire est dans le rouge de 14.9 milliards de dollars. C’est beaucoup, mais il y a une tendance baissière qui permet d’espérer un retour à l’équilibre budgétaire dans un futur relativement proche. Surtout que l’économie va bien et affiche une croissance réelle de 2% environ. C’était sans compter la tentation électorale, la chair est faible comme on entend parfois, et rien n’est plus vrai quand on parle de budget en année électorale. Un déficit annoncé de 19.8 milliards cette fois, mais qui sera vraisemblablement révisé selon Bill Morneau à 26.6 milliards de dollars… Retour à la case départ donc?
Quels sont les arguments pour de telles dépenses et une tendance aux déficits aussi importante? Les taux d’intérêt sont bas, très bas même. C’est du jamais vu selon plusieurs et c’est un incitatif énorme pour le gouvernement d’en profiter pour augmenter sa croissance à long terme, mais c’est aussi une occasion en or pour investir dans des plans qui auraient été jugés trop ambitieux et coûteux autrefois. Or, de l’avis de plusieurs, il est plus intelligent de faire des déficits en période de ralentissement pour maintenir le niveau de dépenses des consommateurs et permettre une relance économique plus rapide ou à tout le moins une récession moins douloureuse. Après la fin de la crise, il est souhaitable de ramener les dépenses à la baisse et de se faire un coussin pour la prochaine crise et ainsi conserver un niveau d’endettement raisonnable. C’est ce que le Québec semble faire actuellement. La stratégie de Trudeau de dépenser autant en période de croissance est donc troublante, car elle ne semble pas être justifiée par la nature de ses investissements. Il aurait été probablement beaucoup plus acceptable pour les citoyens que les déficits s’accumulent dans un contexte de crise climatique et d’investissement vert massif. Des investissements majeurs en infrastructures de transports en commun, pour la transition économique et écologique de l’Alberta et la transition énergétique pour se débarrasser du charbon partout au Canada aurait été vue d’un bon œil, je crois, et auraient été justifiable économiquement. Pourtant, ces déficits massifs n’ont pas eu l’impact que l’on pouvait espérer. Le système de paie Phénix n’est toujours pas réparé 4 ans plus tard, l’Alberta est toujours aussi dépendante du pétrole sinon plus et le réseau de transport en commun canadien ne semble pas en voie de devenir une fierté nationale ou un modèle à suivre. Pire! On a même continué les subventions pétrolières et acheté un pipeline en triplant sa capacité et en le faisant passé sur le territoire d’une province qui n’en veut pas. Aurait-on donc financé par ces déficits notre consommation trop grande de biens et services? C’est possible et même probable, mais cette décision vient avec un prix et il est quantifiable dans l’immédiat et pourrait augmenter passablement dans le futur. Les frais de la dette à l’heure actuelle sont d’environ 24 milliards de dollars par année. C’est relativement bas en raison des taux d’intérêt, mais ils pourraient augmenter rapidement si les taux venaient à se redresser. D’autre part, en cas de crise économique, la stratégie à adopter serait d’augmenter les dépenses, mais jusqu’où le Canada sera prêt à aller? Est-ce que ces déficits empêcheront le gouvernement d’avoir une réponse appropriée ce qui toucherait durement les plus pauvres et les plus vulnérables d’entre nous?
Il est donc important pour moi de poser une question importante aux partisans de monsieur Trudeau. Considérant les informations économiques qui sont à notre disposition, les risques de récession grandissant et la somme croissante d’argent que nous sommes forcés de verser pour le service de la dette. Est-ce que les budgets Trudeau sont véritablement progressistes? Il me semble que l’ensemble des bénéfices ne revient pas aux plus vulnérables ou même à la classe moyenne à long terme, mais que les risques reposent énormément sur ces derniers. D’autant plus que cet argent aurait pu et aurait dû être utilisé pour une véritable révolution infrastructurelle, mais qu’elle a été détournée à des fins électorales dans plusieurs cas. Les générations futures qui auraient pu bénéficier de ces infrastructures ou de cet argent pourront-ils vraiment regarder l’ère Trudeau comme étant véritablement progressiste ou plutôt comme étant une continuité de la dictature du présent et de la consommation? Seul l’avenir nous le dira, mais je suis de ceux qui pensent que les Canadiens paieront cher cette période d’excès.

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