**On aurait tendance à croire que les relations internationales sont d’importances moindres pour une province comme le Québec qui n’a pas d’aspiration immédiate à faire son indépendance. La réalité est tout autre pourtant. **
Depuis maintenant 25 ans, le Québec n’a pas vraiment d’aspiration à faire son indépendance dans un futur rapproché. La défaite du Oui en 95 aura refroidi les ardeurs des plus grands promoteurs de l’indépendance et aura sonné le glas de Jacques Parizeau au PQ et comme premier ministre. Pourtant, avec l’idée d’accession à l’indépendance un nouvel objectif s’était dessiné pour le Québec et tout spécialement pour monsieur Parizeau. Pour être viable, un Québec souverain devait bénéficier de la reconnaissance internationale, il devait avoir des contacts avec d’autres nations qui se rangeraient avec lui. Monsieur Parizeau avait très bien compris cette logique et pendant son règne il avait su mettre de son côté plusieurs pays notamment en Amérique Latine et en Europe. Ces relations auraient pu fructifier et devenir de véritables alliances économiques et politiques, mais nous ne le saurons jamais, car en 1995, le camp du Oui sera vaincu de justesse.
Pourquoi donc est-ce que je vous parle de tout ça? C’est très simple, car le Québec depuis cette défaite n’a jamais vraiment su retrouver sa passion et son ambition internationale. Il s’est recroquevillé sur lui-même, sur une politique interne fade et sans ambitions autres que celle d’être une province normale. Pourtant, même sans être pour l’indépendance, il serait normal de s’inquiéter d’un tel déclin ne serait-ce que pour les opportunités économiques que le Québec laisse de côté en s’isolant de la sorte. Même Robert Bourassa, pourtant un fédéraliste convaincu savait pertinemment que le Québec dépendait énormément de ses voisins et du monde s’il voulait devenir une nation capable de pourvoir à ses ambitions. Son travail de maître auprès de Brian Mulroney pour la signature de l’accord de libre-échange avec les États-Unis et son exil en Europe entre ses mandats pour en apprendre plus sur la future Union-Européenne et même sa gestion parfois fourbe des événements comme les sommets de la francophonie pour faire ressortir le Québec étaient autant d’exemples que même un gouvernement voulant rester dans le Canada se doit d’être ouvert sur le monde.
#### La bourse carbone, un rendez-vous raté avec l’histoire.
S’il y a bien une politique qui avait le potentiel de faire du Québec un leader sur la scène internationale malgré son statut de province c’était la bourse du carbone. Le potentiel était pourtant évident, mais les cartes ont été mal jouées et la malchance frappe le Québec lorsque l’Ontario succombe à la Ford Nation qui retire la province de l’accord. Pourtant un accord avec la Colombie-Britannique, plus proche de la Californie, un état déjà membre avec le Québec, aurait dû être une priorité. Les premiers ministres provinciaux auraient dû voir là une occasion formidable de faire leur part dans la gestion de la crise climatique, mais aussi comme une occasion de sécuriser leurs pouvoirs et d’éviter un empiétement du gouvernement d’Ottawa ou de Washington pour nos voisins du sud. Le Québec avait une occasion en or de devenir un chef de file tant au Canada qu’en Amérique du Nord, mais il n’a pas su convaincre ses homologues du bienfondé du projet avec les conséquences que nous connaissons aujourd’hui : empiétement du fédéral, anxiété de la population, aggravation de la crise climatique et polarisation sur le sujet. Pire encore pour le Québec, cet échec aura également coûté cher économiquement. Un marché commun du carbone en Amérique du Nord et même au Canada aurait permis aux entreprises québécoises de profiter d’un autre avantage grâce à notre électricité produite sans grande émission de GES. Cet avantage se serait traduit par de meilleures opportunités économiques pour nos entreprises, mais aussi par une plus grande prospérité pour le Québec et ses citoyens. Il aurait permis d’assurer la pérennité de certaines de nos industries qui ont depuis plusieurs années des problèmes de productivités qui auraient pu être réglés par un accès plus grand aux marchés nord-américains et par des investissements cherchant un rendement vert en raison de la bourse carbone.
#### L’échec de l’AECG et de L’ACEUM.
Les récentes négociations commerciales avec l’Europe, les pays du pacifique et plus récemment les États-Unis auront été un échec à bien des égards pour le Québec. L’accord avec l’Europe visait en premier lieu l’ouverture du marché de la viande bovine pour les provinces de l’ouest, mais s’est fait aux dépens d’une fragilisation du marché laitier et fromager du Québec ainsi qu’avec une brèche dans la gestion de l’offre. Un dur coup pour nos producteurs qui voyaient déjà l’accord d’un œil sceptique. Jean Charest avait su faire la promotion de la nécessité d’un accord auprès du Canada, mais il aura échoué à faire pencher l’accord en faveur du Québec comme Bourassa l’avait fait avant lui. D’autant plus que plusieurs ne voyaient pas vraiment l’intérêt pour le Québec de signer cet accord en même temps qu’un autre accord très important comme le CPTPP, car il deviendrait alors extrêmement complexe d’évaluer les effets de ces accords de façon isolés. D’après ce que je peux voir, le CPTPP était un bon coup pour le Québec. Facilité les échanges avec nos partenaires asiatiques déjà friands de notre porc et certains autres produits agricoles est un point positif, mais les clauses et normes sur les échanges de services favorisent aussi le Québec qui est doté d’une économie de plus en plus dépendante du secteur tertiaire. De plus, le Canada et donc par extension le Québec a pu obtenir un mécanisme de règlement des différends dans l’accord. Évidemment, comme tout accord il y aura des points plus négatifs, mais il est important de noter l’importance pour le Canada, mais aussi le Québec de diversifier ses échanges et de ne plus dépendre autant des États-Unis et d’être à la merci d’un président plus capricieux. Je ne donnerai toutefois pas trop de crédit au Québec, car soyons honnête, un accord avec les pays du pacifique n’était clairement pas dans les tiroirs en raison d’une impulsion du gouvernement Couillard ou Charest. Vient ensuite le fameux ACEUM. Une négociation imprévue, extrêmement complexe en raison du contexte et d’un président au tempérament mercurien, mais aussi par un climat défavorable au libre-échange aux États-Unis. Le Canada a su s’en sortir sans perdre trop de plumes ce qui est déjà très bon considérant les circonstances, mais il semble évident pour le moment que le Québec et sa délégation auront été les grands perdants de cet accord. La gestion de l’offre à été affaiblie encore une fois par une ouverture aux importations américaines à des produits subventionnés à coup de milliards de dollars et ne devant pas se contraindre à nos normes de qualité supérieures. Le secteur de l’aluminium avait initialement subi une injustice par rapport à l’acier qui disposait de protection supplémentaire et pour vraiment clouer le cercueil à l’industrie laitière, une taxe sur l’exportation de protéine laitière qui causera des pertes, mais aussi beaucoup de gaspillages sur nos fermes qui parvenaient à se débarrasser de surplus au prix mondial et limiter leur perte. Malheureusement pour eux cette avenue n’est plus disponible et on est en droit de se demander comment l’industrie va faire face à ce problème franchement gênant. Il est clair que le Canada se devait de signer l’accord avec les États-Unis. Refuser une entente aurait été un désastre économique et diplomatique, mais il est aussi clair que les industries du Québec comme le bois d’œuvre qui n’est toujours pas inclus dans l’accord ont servi d’agneaux sacrificiels et que la délégation du Québec n’a pas su faire son travail de pression auprès d’Ottawa. Un échec inexcusable considérant le poids économique et politique du Québec dans le Canada, mais aussi dans le caucus du gouvernement Trudeau. Philippe Couillard aura bien essayé de jouer aux gros bras avec un « just watch me » franchement gênant, mais c’était trop peu trop tard. Le Québec aura payé le prix fort de sa négligence sur le plan international et les plus récents efforts de la CAQ à cet égard me laissent perplexe.
#### La CAQ et la diplomatie internationale.
Je serai bref dans ma critique de la position du gouvernement Legault. La diplomatie du Québec ne devrait pas être seulement économique, mais considérant le retard accumulé sur ce front il m’apparaît justifiable de mettre en place des mesures pour en faire une priorité. Je crains seulement que l’économie devienne le seul enjeu diplomatique et fasse du Québec une sorte de succursale tentant de vendre ses produits à de riches investisseurs étrangers. L’avenir nous dira ce qu’il en est. Je reste persuadé qu’il faut parfois accepter un changement modeste pour atteindre un objectif plus grand et c’est dans cette optique que je me place dans le camp des partisans de ces réformes diplomatiques caquistes.