**L’épidémie de la COVID-19 aura permis à plusieurs d’entre nous de voir des situations pouvant paraître d’un autre monde. Quarantaine, rationnement, étagères vides et mesures de sécurité pour éviter les contaminations. Du jamais vu pour pratiquement tout le monde.**
Lorsque je suis entré à l’épicerie près de chez moi quelques heures après l’annonce de la fermeture de tous les commerces non essentiels par François Legault. J’ai pu observer un spectacle digne d’un film de série B un peu exagéré. Une série de palettes de bois et du ruban jaune délimitaient une sorte de grand labyrinthe pour faire attendre les nombreux clients sans qu’ils n’entrent en contact ou ne s’approchent trop près. Un panneau indiquait ce qui était encore sur les étagères, mais rationné et ce qui était en rupture de stock. Pour moi, jeune homme de 22 ayant grandi au Québec et pour la plupart de mes compatriotes, c’est une vision d’un autre monde. Certes il n’est pas rare qu’un produit ne soit pas présent sur les étagères, car il est en rabais ou particulièrement en demande pendant la période. On n’aura qu’à penser aux fraises du Québec pendant l’été qui viennent parfois à manquer si l’on arrive trop tard, mais jamais des rangées complètes de denrées alimentaires ou un rationnement obligatoire.
Cette sécurité alimentaire omniprésente pour la grande majorité de notre province et qui nous semble être la chose la plus normale au monde est pourtant une anomalie historique. Très peu de pays et de citoyens dans le monde profitent d’une situation d’abondance comme nous profitions et avons profité pendant le dernier demi-siècle. Cette situation d’abondance nous apparaît pourtant comme étant normale et même comme étant dû. Nous en sommes venus à croire, il semblerait, que cette abondance était infinie et le Canada, comme la plupart des pays occidentaux, aura gaspillé plus de nourriture en 50 ans que certains empires ont pu produire toute leur vie durant. Heureusement, cette situation de pénurie est temporaire. Le système de distribution et de production alimentaire est solide et les étagères se remplissent déjà à nouveau à une vitesse folle. Bientôt les panneaux de rationnement et les files d’attente ne seront plus qu’un souvenir ou une scène étrange d’un documentaire sur l’épidémie et la crise économique subséquente. Un peu à l’image des scènes que l’on peut retrouver dans certains films des années 70 avec des files de centaines de voitures attendant leur maigre 5 gallons d’essence.
Ces images m’auront définitivement marquée, mais elles doivent aussi nous apprendre une leçon importante. L’histoire n’est pas une ligne de progression linéaire. Après Rome et ses grands travaux et progrès sociaux vint le moyen-âge et la peste noire. Nos ancêtres ont dû travailler d’arrache-pied pour coloniser le Québec pour en faire la nation opulente d’aujourd’hui. Des hommes et des femmes vivants 10 ou même 15 dans la même maison dans des conditions impossibles à imaginer pour nous. Ce confort que nous prenons pour acquis, ces libertés que nous chérissons ont un prix et ce prix est de rester vigilant et de ne pas abaisser notre garde. Nous ne pouvons pas nous permettre de nous croire invincibles et au-dessus des foudres de la vie. Nous devons reconnaître humblement notre vulnérabilité et faire tout notre possible pour léguer des outils pour réduire cette dernière à nos descendants.
#### Le parallèle climatique.
Si vous trouvez que nous sommes bien impuissants devant ce virus, je pense que c’est un excellent réveil pour plusieurs, moi compris, que si nous n’agissons pas rapidement nous aurons beau implorer tous les saints de la terre, faire tourner toutes les usines du monde, notre avidité nous coûtera bien plus qu’une crise économique et quelques milliers de morts. Nous avons toujours eu tendance à nous dire que l’on trouverait bien une solution une fois dos au mur. Je pense que cette pandémie nous montre clairement que nous pourrions très bien voir ce mur se dérober derrière nous avant même que nous puissions nous appuyer sur lui. L’opportunité amenée par la crise économique qui viendra à la fin de cette épidémie doit être saisie. Tout cet argent, tous ces investissements doivent être faits de manière à offrir une croissance durable et qui nous permettra de maintenir cette sécurité alimentaire et sanitaire qui caractérise notre société moderne. Il est temps de lire les signaux et d’en faire usage pour amener à bien cette vision d’un autre monde. Un monde nouveau et surtout un monde durable.