**La plus récente annonce du gouvernement Legault concernant la consommation locale et le lancement d’une initiative web s’apparentant à un bottin pour les compagnies d’ici suscite beaucoup d’intérêt. Est-ce une bonne idée? Le gouvernement devrait-il aller plus loin? Quels seront les impacts à long terme d’une telle vision économique pour le Québec?**
Le panier bleu annoncé hier par le gouvernement du Québec semble s’inscrire dans la perception du futur de François Legault. Consommation locale, encourager les PME et un retour du nationalisme économique qui favorise une intervention de l’état dans le monde des affaires. Plusieurs personnes étaient contentes de voir une telle initiative, mais plusieurs semblaient décrier un manque criant d’innovation et une solution relevant d’une autre époque. En effet, pour le moment, le panier bleu relève plutôt du bottin bleu que d’un véritable panier à proprement parler. Il sert strictement à afficher les commerces d’ici et à faciliter le référencement du client au magasin. Or, un tel système aussi intriguant soit-il, ne change pas vraiment la donne pour les commerçants et risque, à moins de changements drastiques, d’être un autre échec lamentable de notre virage numérique qui ne finit plus de dérailler…
#### Un premier pas dans la bonne direction, mais…
L’idée est bonne, mais ne va pas suffisamment loin à mon avis. Il est impensable pour moi qu’en 2020 le Québec ne puisse pas disposer d’un véritable « grand marché numérique » qui deviendrait un peu notre centre d’achat virtuel. Il faut passer à la vitesse supérieure et mettre en place un système qui permet de rechercher par produits et qui nous permet d’acheter directement sur le site les produits d’on nous avons besoin. Ceux qui utilisent leur ordinateur pour jouer à des jeux vidéo sauront qu’un bon exemple pour illustrer mes propos serait la librairie de jeux vidéo Steam. En résumé, pour ceux ne possédant pas ce service gratuit ou ne le connaissant pas, la plateforme Steam regroupe presque la totalité des jeux vidéo compatible sur ordinateur qui existent sur le marché. Par des ententes avec les studios de développement et en échange d’une partie des profits de la vente, la librairie offre ainsi le service gratuitement aux consommateurs et permet même de créer des petits groupes d’amis, d’offrir des jeux en cadeaux à nos amis et de se faire une liste de souhait qui permet de surveiller tous les changements sur la page du magasin du jeu en question. Ce n’est pas un défi technologique puisque cette fameuse librairie est apparue en 2003, mais bien un défi logistique et politique. Il faut une volonté politique ferme pour mener à terme un tel projet, mais je pense que les bénéfices pourraient être énormes et encourager la croissance et l’innovation d’ici.
#### Faire participer les compagnies d’ici.
Il est important que le gouvernement ne tente pas de faire cavalier seul dans cette initiative et je pense que de laisser un OBNL s’en charger est une bonne idée. Cela permettra d’avoir le développement économique des entreprises du Québec comme priorité numéro une plutôt que la recherche du profit ou des recettes fiscales du gouvernement. Il serait logique selon moi de charger Desjardins d’offrir un service de paiement en ligne pour faciliter les transactions et envoyer le signal que le Québec inc. prend l’initiative au sérieux. Il faudra aussi offrir des tarifs intéressants pour que les compagnies gagnent à s’inscrire. Une version « affaire » du site pourrait aussi voir le jour permettant aux entreprises de trouver des fournisseurs du Québec, un aspect que les gens négligent souvent de l’économie, mais qui est pourtant essentiel à une économie comme le Québec qui s’étend sur un énorme territoire avec une population limitée.
#### Ne pas négliger les services et les agriculteurs.
On serait tenté de créer un centre d’achat virtuel qui ne vend que des produits d’ici, mais il ne faudrait surtout pas oublier que l’économie québécoise est une économie de services. Les dentistes, chiropraticiens, masseurs, nettoyeurs de ce monde, peuplant nos vrais centres commerciaux, doivent être présents et permettre les prises de rendez-vous en ligne. Quant aux agriculteurs, la transition numérique pourrait permettre un développement de culture jusqu’ici moins rentable. Les producteurs de miels, d’alcool et de fromages par exemple pourraient enfin vendre leurs produits locaux sur une plateforme numérique sécurisée, avec un faible coût transactionnel et tout ça en évitant des coûts de développement web souvent très dispendieux. C’est la même logique que les centres commerciaux physiques! Une densité des clients, des frais de locations qui évitent d’autres coûts liés par exemple à l’entretien du bâtiment et une certaine sécurité assurée par le centre commercial qui est ici virtuel et assurée par le panier bleu. De plus, c’est aussi une merveilleuse plateforme pour faire de la publicité sur une plateforme québécoise plutôt que sur un des géants du web comme Facebook ou Google.
#### Qu’attendons-nous?
Bref, il est plus que temps pour le Québec et les compagnies d’ici d’arriver au 21e siècle. On parlait de plan Marshall et de révolution tranquille 2.0 dans notre dernier article et je trouve que ce virage numérique s’inscrit magnifiquement dans cette nouvelle évolution du Québec. Retrouvons donc un peu de cette fierté et cette ambition qui nous habitaient pendant la 2e moitié du 20e siècle quand nous étions occupés à bâtir le Québec physique et ses infrastructures. Transformons cette dernière en fierté de bâtir notre infrastructure numérique et en ambition d’être des créateurs et des innovateurs dans le domaine. Redonnons les rênes de l’économie aux compagnies locales et non plus aux multinationales américaines qui ne payent parfois même pas leurs taxes et participent volontairement à ce cycle vicieux de l’évitement et de l’évasion fiscale qui nous appauvris tous.