**Les lecteurs les plus fidèles se souviendront que j’ai été très sévère envers le gouvernement fédéral et sa gestion de la pandémie, notamment en début de crise. Toutefois, il est l’heure de faire une critique plus positive sur ce palier gouvernementale souvent bien impopulaire au Québec.**
La réaction du Parti Libéral du Canada et de Justin Trudeau à la crise aura véritablement été binaire. Un début catastrophique qui incitait les citoyens et les dirigeants provinciaux à se méfier du fédéral et pour ces derniers à prendre des responsabilités qui n’étaient pas les leurs en temps normal. Face à la critique pratiquement unanime des médias et des dirigeants provinciaux, le fédéral a su ajuster le tir avec des programmes d’aides musclés et surtout très généreux. Ça peut sembler étrange de vanter la générosité d’un chèque mensuel pour aider les Canadiens à payer leurs dépenses de base, mais il faut aussi comprendre que seul le gouvernement fédéral, dans le système actuel, peut payer ce genre de programme d’urgence. Si le Québec annonçait demain matin un plan pour offrir 2000$ par mois à ces citoyens, je serais sérieusement sceptique de notre capacité à repayer sans devoir mendier Ottawa.
#### Utilisation des leviers monétaires.
Une des principales raisons derrière mon scepticisme est que les provinces, même les plus riches, ne possèdent pas le luxe d’avoir leur banque centrale et de pouvoir ainsi influencer les résultats fiscaux avec les outils monétaires. La banque du Canada est un formidable outil en temps de crise et permet à Ottawa de pouvoir contracter beaucoup plus de dette que les provinces. C’est un sujet tabou en économie, mais une théorie monétaire en provenance des États-Unis fait le postulat qu’il est techniquement impossible pour un État de faire faillite si sa dette est dans la même devise qu’il peut imprimer. Évidemment, Ottawa est loin d’être devant une telle situation. Le Canada affiche un ratio d’endettement relativement bas, l’un des plus bas dans l’OCDE en fait et possède une économie relativement diversifiée ce qui laisse présager que la reprise pourrait être plus facile. La baisse des taux d’intérêts par la banque vise à augmenter les liquidités et ainsi permettre à des compagnies ayant une forte dette de survivre plus facilement à la crise et aux autres de contracter des prêts franchement avantageux. Ce dernier principe s’applique à Ottawa qui a le beau jeu d’emprunter des milliards de dollars pour financer une reprise rapide et un maintient des liens d’emploi en subventionnant les salaires et en envoyant 2000$ à la majorité des citoyens privé d’emplois. Cette dette ne coûtera pas cher et la conjonction ne semble pas favorable à une hausse drastique des taux d’intérêts ce qui fait que le fédéral, malgré ses dépenses pharaoniques, agit en fait dans la limite de ce qu’on pourrait qualifier de prudence. Si tout ça ne suffit pas, Ottawa conserve son avantage, sa dernière carte qui en fait un acteur économique infiniment plus puissant que les provinces, l’impression de monnaie.
#### Un système pour le moment très efficace.
Un autre aspect qui me fait écrire ce texte est l’efficacité du système. Malgré le fait que je critique le fédéral pour avoir parmi les sites web les plus infâmes que j’ai pu naviguer, il n’en reste pas moins que l’architecture bureaucratique, électronique et téléphonique tient bon pour le moment! La décision de séparer les demandes par mois de naissance était intelligente et le fait de simplifier l’accès au dossier sur l’agence de revenu du Canada en ne demandant pas le fameux code de confirmation pour la PCU était du gros bon sens. J’ai personnellement pu recevoir l’argent dans un délai inférieur à 48h et je ne semble pas être une exception. De plus, le site est relativement facile d’accès et les procédures pour accéder aux versements sont minimales. Excellente façon d’éviter les questions et ainsi engorger le système.
#### Quelques ratés tout de même.
J’aimerais pouvoir faire un texte qui ne fait qu’encenser Justin Trudeau et le gouvernement fédéral, mais ça serait un peu malhonnête. Malgré le bon travail, le gouvernement fédéral a véritablement tenté de profiter de la crise pour se donner des pouvoirs trop grands par l’entremise de monsieur Morneau. Demander le pouvoir de dépenser des fonds publics de manière illimité sans devoir faire face à la chambre ou au sénat pour une période de deux ans était un outrage et une demande grossière. Heureusement, l’opposition a su faire reculer le gouvernement à ce sujet. Ces pleins pouvoirs auraient permis à Justin Trudeau et Bill Morneau de changer les impôts des Canadiens, d’emprunter et de dépenser sans aucune permission et compte à rendre pour 21 mois. Absolument absurde et décevant à mon avis.