Le vrai coût de l’indifférence

**Les récentes vagues de décès en CHSLD et l’impuissance du gouvernement de François Legault face à la crise nous montrent le véritable coût de l’indifférence. Cette crise aura permis à plusieurs de voir l’hypocrisie d’une classe politique se disant concernée par la santé des gens et le bien-être des aînées, mais qui aura dans la même semaine coupé les budgets. **

La pandémie qui était jusqu’à tout récemment sous contrôle au Québec s’est emballée. Plusieurs foyers de contagions se sont créés dans des CHSLD et ont amené la mort par centaine. Une mort douloureuse, ce faisant dans la solitude et dans des conditions que je me permets de qualifier d’inhumaines. Loin de moi l’idée de blâmer le personnel pour ces conditions, les hommes et les femmes qui constituent notre système de santé font leur possible avec les ressources à leur disposition et dans des conditions très difficiles sans être rémunérés à leur juste valeur. Il n’en reste pas moins que leur milieu de travail a été saboté sur le long terme par une gestion douteuse et des coupures dont le véritable coût était jusque-là caché. Salaires médiocres, valorisation insuffisante du métier, condition de travail constamment sur le déclin. Le système de santé aura été saigné de ses ressources et des brèches auront été faites de manière sournoise pour ouvrir la porte grande ouverte pour les amis du parti d’investir dans les soins privés.
Ces coupures et ce délaissement du système de santé et des soins pour les aînés étaient bien connus au Québec. Il serait hypocrite de dire le contraire et de feindre la surprise quand les représentants des travailleurs de la santé tirent la sonnette d’alarme depuis des années et que les reportages sur le traitement de nos aînés se multiplient. Pourtant la réaction des Québécois fut d’ignorer le problème et de continuer à voter pour les mêmes politiques. L’impact de ces coupures était peu ressenti pour la plupart d’entre nous et il permettait, selon les politiciens en place, d’éviter des hausses d’impôts. Le calcul se faisait facilement pour plusieurs et les plus riches se disaient qu’ils pourraient toujours payer plus pour éviter le pire. Sans le savoir, les gens ont permis la naissance d’un système à deux vitesses : un vieillissement pour les riches et un pour les gens ordinaires. Pour la classe politique, cette indifférence était fort utile, si la population ne se plaignait pas de ces coupures, les bénéficiaires souvent en perte d’autonomie et isolés ne seraient certainement pas capables de le faire. Le piège se refermait, et l’exploitation de la vieillesse et de la misère pouvait désormais devenir monnaie courante.
#### Le Herron, un cas parmi tant d’autres.
Le plus récent scandale en CHSLD dans le complexe du Herron aura secoué le Québec. Des aînés abandonnés, un groupe de gestion refusant l’accès à des informations cruciales pour le gouvernement et un président au passé criminel très chargé. 1 La situation aura été tellement explosive pour le gouvernement Legault qu’il s’excusera publiquement quelques jours plus tard en prenant l’entièreté du blâme. Pourtant, bien que le geste soit noble, la responsabilité de s’excuser n’aurait pas dû tomber sur François Legault. Les problèmes structurels qui ont causé cette hécatombe étaient là bien avant lui et les mêmes personnes qui aujourd’hui critiquent le premier ministre sont parfois les mêmes qui ont permis à ces problèmes d’exister. La simple existence de CHSLD privé non conventionné est un problème à mes yeux. Ils sont moins efficaces que les CHSLD publics, coûtent une fortune aux résidents et pour couronner le tout, offrent des salaires de misère à leurs employés. Les prix pour vivre dans ces résidences peuvent atteindre 10 000$ par mois, et ce malgré le manque de contrôle de qualité et de supervision gouvernementale. 2 Qui sort gagnant d’un tel système? Le gouvernement se lave les mains de cette situation, car les coûts sont de la responsabilité du propriétaire et ont instaure quelques exigences minimums pour l’émission d’un permis. D’un autre côté, ne soyons pas naïf, le président du groupe Katasa, responsable du Herron était un donateur fréquent et généreux du parti libéral. 3 Ces résidences privées avec un mince contrôle gouvernemental deviennent en quelque sorte un permis à faire de l’argent sur la condition de nos aînés et une récompense pour les bons amis du parti. Tout ça se fait en plein jour et sans que personne ne lève le ton pour changer les choses. Après tout, pourquoi s’insurger si l’on n’est pas touché…
Cette crise dans les CHSLD aura permis de montrer qu’il y a un prix à vouloir toujours couper les services aux populations vulnérables. Elles ne peuvent peut-être pas se plaindre, mais il suffit qu’un imprévu arrive pour faire tomber le château de cartes. La pandémie aura aussi montré aux gens qu’il y a un prix à payer pour leur indifférence politique. Ne pas voter, ne pas s’informer et ne pas s’impliquer vient avec un coût bien réel et c’est d’avoir du sang sur les mains sans avoir personne d’autre à blâmer que soi-même. Cette fois, le véritable prix de notre indifférence collective aura été la vie de nos aînés, de nos proches et de plusieurs milliers de personnes rendues vulnérables par nos décisions politiques courtermistes, de petits gestionnaires pensant à notre propre poche. Souhaitons que nous puissions apprendre de nos erreurs, car c’est la seule chose que nous pouvons faire pour aider ceux qui sont déjà partis.

  1. La Presse+. « Du trafic de drogues aux résidences pour aînés », 15 avril 2020. http://plus.lapresse.ca/screens/90fd61b3-4745-4096-8238-85e1b00c7143__7C___0.html.
  2. Lachance, Nicolas. « Propriétaires du CHSLD Herron: une famille de généreux donateurs du PLQ ». Le Journal de Québec. Consulté le 19 avril 2020. https://www.journaldequebec.com/2020/04/16/une-famille-de-genereux-donateurs.
  3. QMI, Agence. CHSLD: jusqu’à 10 000$ par mois et la qualité pas toujours au rendez-vous. Consulté le 19 avril 2020. https://www.journaldequebec.com/2020/04/13/chsld-jusqua-10-000–par-mois-et-la-qualite-pas-toujours-au-rendez-vous.
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