Tenu pour acquis

**L’agriculture est souvent qualifiée de source de fierté au Québec et presque universellement vue d’un bon œil. À l’exception des militants antispécistes et des gens ayant des critiques légitimes sur nos modes de production et l’utilisation de pesticides, l’agriculture jouit d’une popularité et d’une sympathie du public relativement importante. Pourtant, depuis plusieurs années, les politiques défavorables à notre agriculture s’additionnent et la plus récente crise montre que ce capital de sympathie ne s’est jamais vraiment transformé en gestes concrets.**

Le Québec est en pleine pandémie, je ne pense pas apprendre la nouvelle à personne, mais il n’en demeure pas moins que cette pandémie à des impacts que l’on ne prévoyait pas vraiment. La crise agricole qui semble à nos portes en fait certainement partie. Alors que plusieurs Québécois s’imaginaient un système agricole robuste et en mesure de subvenir aux besoins de la province, la pandémie est venue ébranler les colonnes du temple violemment. Des années de mutisme au gouvernement provincial, combiné à l’ouverture des marchés agricoles par le gouvernement fédéral n’auront certainement pas aidés, mais il ne faut pas, en tant que consommateur, se laver les mains de toute responsabilité. Nos choix à l’épicerie sont importants pour les producteurs d’ici et choisir les produits américains ou chinois, car il coûte 50 cents moins chers c’est aussi de faire le choix de dépendre des autres pour le meilleur et pour le pire. Nous avons fini par tenir pour acquis le secteur agricole québécois comme nous avons tenu pour acquises nombre de nos institutions au Québec.
#### Des choix de survie.
Il serait indécent de blâmer les producteurs pour les problèmes actuels au Québec, l’UPA et d’autres organismes agricoles ont sonné l’alarme à plusieurs reprises concernant les dangers du système actuel sur notre souveraineté agricole, mais l’appât du gain était trop fort pour nos gouvernements et les lobbys très puissants. Malgré des problèmes criants de relève agricole et des problèmes sur la vente et l’acquisition des terres par des intérêts étranger ou spéculatif et malgré les demandes répétées des producteurs, le gouvernement du Québec n’aura pas su prévenir le manque de relève et de main-d’œuvre dans le milieu, rendant nos producteurs dépendant de l’étranger et notre sécurité alimentaire encore plus fragile. Pour survivre face à une compétition de plus en plus féroce et souvent régulée moindrement, les producteurs ont dû adapter leur production pour les marchés d’exportations et ainsi fragiliser encore plus le système. Encore aujourd’hui, les producteurs font face à des choix déchirants. Dois-je planter la même quantité et risquer de ne pas avoir le personnel pour cueillir et probablement faire faillite ou réduire ma production au risque de fragiliser la sécurité alimentaire et perdre beaucoup d’argent? Face à une telle situation, on devrait être en droit de s’attendre à ce que nos gouvernements qui proclament l’importance vitale de l’agriculture (avec raison) pour notre nation agissent fortement et offrent un support financier et technique. Pourtant il n’en est rien.

Timide au Québec et carrément nuisible à Ottawa.


Même si François Legault semble honnête dans sa sympathie face aux producteurs agricoles, il n’en demeure pas moins que les mesures annoncées sont insuffisantes. La subvention salariale est négligeable et un appel à la terre au nom de la patrie est certes honorable, mais il me semble naïf de penser que cela suffira. Peut-être que le gouvernement sortira un lapin de son chapeau, mais à l’heure actuelle, je reste sur ma faim de ce côté. En revanche, si je reste sur ma faim avec le gouvernement du Québec, je ne vous cacherai pas ma colère et ma déception envers le gouvernement canadien de Justin Trudeau qui est carrément nuisible au milieu agricole. Non seulement ce même gouvernement aura ouvert la porte aux intérêts étrangers et fragilisé l’agriculture national, mais il semble incapable de comprendre la réalité agricole actuelle. Le fédéral n’a pas encore offert de programme d’aide financière ou de garantie sur les pertes agricoles pour cette année ce qui pourrait rassurer plusieurs producteurs et éviter une baisse de l’offre alimentaire qui mènerait à une hausse du panier d’épicerie que personne ne veut. Non seulement ça, mais les multiples programmes d’aide financière comme le PCU ou l’aide aux étudiants rendent la tâche déjà ardue des producteurs à trouver de la main-d’œuvre franchement plus complexe. Finalement, le gouvernement aura même poussé l’enveloppe à rendre les producteurs responsables d’assurer l’hébergement des travailleurs étrangers pendant la quarantaine. Un risque sanitaire que je trouve irresponsable, mais aussi un poids financier injuste pour nos producteurs.

Des solutions possibles.


Pourtant les solutions ne manquent pas et les suggestions des principaux acteurs sont intéressantes, mais il semble que l’information ne se rende pas. Néanmoins, je me permets quelques suggestions qui pourraient aider tant les producteurs que les citoyens concernés. Tout d’abord, je pense qu’il serait intéressant que la prestation étudiante annoncée par le gouvernement Trudeau ne compte pas les revenus obtenus lors d’un travail dans un milieu agricole ou ne le compte pas complètement à tout le moins. De cette façon, le travail dans les champs devient extrêmement attirant pour les étudiants qui peuvent améliorer leur sort financièrement, payer des dettes ou placer cet argent de côté. Dans le pire des cas, ils consommeront cet argent en divertissement, une économie plus locale ce qui facilitera la relance! Deuxièmement, le gouvernement provincial pourrait mettre en place un programme d’aide financière aux études qui convertirait des prêts étudiants en bourses pour ceux qui iront aider les producteurs. Évidemment, la première mesure pourrait s’étendre à la population générale, mais comme on entend énormément parler de la prestation étudiante je pense que cette mesure passerait plus facilement. Enfin, deux dernières suggestions, mais pas les moindres. Il me semble primordial que le gouvernement fédéral assure les récoltent et les pertes encourues pour éviter une réduction de l’ensemencement par peur de manquer de main-d’œuvre. Il serait aussi intéressant de permettre aux personnes condamnées à des travaux communautaires de faire ces derniers aux champs et à ceux, à qui nous avons permis une libération plus rapide en raison du virus, de travailler dans les champs dans le cadre de leur liberté conditionnelle. Évidemment, les incitatifs devront être au rendez-vous et les producteurs en accord avec ces mesures. Il faut une concertation et un consensus.
Bref, il me semble raisonnable de dire que le milieu agricole a été tenu pour acquis ainsi que notre sécurité alimentaire, mais il est encore temps de changer les choses et d’agir pour corriger le tir. Il faudra donner un coup de barre pour redresser la situation et apprendre de nos erreurs pour éviter de se retrouver dans une posture aussi fâcheuse à nouveau. Merci à nos producteurs et productrices agricoles qui travaillent fort en ce moment malgré la situation. Nous vous en sommes redevables.

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