Marie-Victorin, cimetière des vieux partis?

**On utilise souvent l’expression « faire l’autopsie d’une campagne ou d’une élection », mais c’est assez rare que l’expression s’applique aussi concrètement. On entend évidemment parler abondamment des effets dévastateurs de cette défaite sur le PQ, mais le fait est que le PLQ a aussi reçu une invitation sérieuse à recevoir des soins palliatifs.**

On en parlait dans un de nos plus récents balados, les vieux partis au Québec passent un mauvais moment et la tendance est lourde. Autant le PQ a réussi à faire un pointage similaire à 2018 dans la partielle, autant le PLQ a perdu plus de 50% de ses appuis pour tomber à 6.9%.

Donc, non seulement le message est assez clair que le PLQ n’a aucune chance de faire des gains dans les circonscriptions francophones, mais il risque fortement de ne pas obtenir le remboursement électoral dans plusieurs de ces circonscriptions. Or, pour un parti en difficulté comme le PLQ, notamment sur le nombre de membres et la faiblesse du financement, ce genre de détails est important.

Si le PLQ devient un parti enclavé sur l’île de Montréal et en Outaouais, est-ce que le parti jugera pertinent d’investir dans des candidats de qualité en région? Probablement pas, mais ce faisant il nourrira un cercle vicieux qui pourrait très bien causer sa mort. Le charme du PLQ venait de sa facilité à revenir au pouvoir. Un peu comme le parti libéral fédéral, le PLQ était un peu vu comme le parti de gouvernance naturel au Québec. Si les Québécois n’avaient pas trop d’envolées idéologiques ou un projet particulier de société en tête, le PLQ était là pour s’occuper « des vraies affaires ».

C’est un peu pour ça que le financement n’était pas un problème, les membres non plus et les candidatures de haut niveau étaient abondantes. Or, le PLQ selon toute vraisemblance n’est plus le parti de gouvernance du Québec. Devant la disparition de la question nationale dans le débat public, le PLQ n’a plus suffisamment de vieux draps pour recouvrir les squelettes dans le placard.

En plus, comble de malheur pour Dominique Anglade, sa tentative de faire de l’économie son cheval de bataille n’a jamais levée. Il faut dire que c’était ambitieux. Elle voulait faire passer le PLQ de parti de l’austérité à un genre de Québec solidaire assumant son fédéralisme. Les gens ont toutefois tendance à se méfier de ce genre de changements radicaux et aussi à choisir l’original plutôt que la copie.

#### Une gifle pour le PQ.
Toutefois, je ne peux pas m’empêcher de voir dans cette défaite du PQ un plus gros problème. Les astres étaient alignés pour une victoire péquiste : Le Bloc Québécois était présent sur le terrain et dans les médias, la couverture médiatique était favorable, le candidat possède une notoriété encore plus utile dans un contexte de partielle. En plus, le traitement médiatique de la CAQ dans la dernière semaine, avec les révélations sur le CHSLD Herron, la « démission » de Marguerite Blais et de Danielle McCann rendaient la victoire possible.

Ce qui est le plus troublant et dommageable c’est la décision de ne pas présenter le chef dans cette élection. Si le PQ n’est pas capable d’offrir la victoire à un candidat de qualité comme Pierre Nantel dans une circonscription votant pour le PQ depuis 40 ans, comment est-ce que le chef et le PQ pourront séduire des candidats de haut niveau? Alors que le Québec est dans une série de débats fondamentaux sur l’État d’urgence, la relance postpandémie, la refondation du système de santé, le chef du PQ à volontairement fait le choix de ne pas essayer d’être présent à l’Assemblée nationale.

Il s’agit d’une admission de faiblesse du chef qui ne s’est pas senti suffisamment assuré de sa victoire dans le comté pour se présenter. Une défaite qui aurait été encore plus douloureuse assurément.

Il s’agissait aussi d’un calcul politique que Pierre Nantel avait de meilleures chances de l’emporter. Or, si le calcul était le bon, quel score PSPP aurait-il obtenu s’il s’était présenté? Qu’un parti soit en difficulté n’est pas rare, mais le PQ est particulièrement dans une mauvaise situation. Le message ne passe pas, le chef ne passe pas, les vétérans quittent le navire, les nouveaux candidats sont de bonnes personnes, mais foncièrement des inconnus et des débutants. Un parti politique au Québec ne peut pas simplement perdre constamment des membres et des militants de qualité et continuer comme si ce n’était pas un problème. On le voit, le problème rattrape même le PLQ, longtemps vu comme un porte-avion politique impossible à couler.

Le parti n’a pas de crédibilité, mais contrairement à QS, il n’a pas non plus de capital de sympathie. Autrefois un parti de coalition capable de maintenir un grand écart idéologique grâce à l’indépendance, il voit sa base constamment disparaître, car le débat national est désormais sur le respirateur notamment grâce au PQ (ironie quand tu nous tiens).
En effet, quelle est la clientèle du PQ? Les personnes de 55 ans et plus? Bonne chance, la CAQ domine largement le créneau. Les jeunes semblent plus intéressés par QS et le PCQ, des partis plus récents, plus dynamiques et surtout plus flexibles.

Il ne reste donc que les indépendantistes purs et durs, mais cette proportion est faible, et parmi ces « caribous », plusieurs réalisent que l’indépendance ne se fera pas à court ou moyen termes. On voit de plus en plus de « caribous » décider de mettre leur militantisme au PQ sur pause et aller vers le Bloc, un parti un peu plus fonctionnel et avec un meilleur avenir pour les plus ambitieux.

Marie-Victorin n’est donc probablement pas le lieu du décès du PLQ où du PQ, mais c’est certainement là que plusieurs historiens et politicologues risquent de retracer le moment décisif vers le cimetière des partis politiques.

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