Cette idée qui ne veut pas mourir

**25 ans après la seconde défaite référendaire, plusieurs personnes considèrent l’idée que le Québec devienne un pays comme dépassée, morte. Pourtant, malgré les efforts soutenus du fédéral, du Parti Libéral du Québec et un manque d’affirmation sur la question par le Parti Québécois, l’idée de l’indépendance pour le Québec refuse de disparaître.**

Un récent sondage Léger accordait 36% d’appuis au OUI et 40% une fois les indécis répartis en pleine pandémie et après une torpeur d’environ 20 ans du mouvement souverainiste. Une nouvelle qui en aura surpris plusieurs tant du côté indépendantiste que fédéraliste, car pour plusieurs, cette question était révolue et particulièrement en ces temps de pandémie. Le découpage par tranche d’âge aura aussi apporté son lot de révélation en montrant que le portrait de l’indépendantiste moyen avait grandement changé au cours des dernières années. Alors qu’en 1995 les plus vieux électeurs avaient voté en majorité pour le NON, il semblerait qu’aujourd’hui l’électorat à séduire se retrouve dans les campus universitaires, collégiaux et dans les formations professionnelles. Ces jeunes, autrefois le pain et le beurre du mouvement indépendantiste, ont fini par quitter le navire ou n’ont simplement jamais grimpé à bord, faute d’avoir été rejoints par un mouvement traumatisé par la défaite et ne sachant plus sur quel pied danser.
#### Mettre à jour le discours.
S’il est intéressant de voir l’appui à l’indépendance rester stable malgré un manque criant de discussion et de proposition par le camp indépendantiste, il n’en reste pas moins inquiétant de voir les jeunes bouder l’option souverainiste. Cette jeunesse, autrefois si active pour l’indépendance, ne semble plus se sentir concernée par la question fondamentale du statut du Québec dans le monde. Il faudra donc réussir à connecter les enjeux touchant les jeunes à l’indépendance sans perdre l’appui des plus âgés. Un fin équilibre qu’il sera particulièrement difficile à obtenir et surtout à maintenir. Toutefois, la cause n’est pas perdue, car le nouveau chef du Parti Québécois, Paul St-Pierre Plamondon s’est présenté comme le candidat des jeunes et les chiffres tendent à lui donner raison. Les appuis dans la course à la chefferie ont été nombreux, mais il était clairement le candidat le plus intéressant et le plus populaire chez les plus jeunes membres. De plus, Québec Solidaire que l’on aime ou non, recrute la grande majorité de ses membres chez les jeunes et sers souvent de premier contact politique pour énormément de jeunes. Le parti n’est pas en mesure d’aspirer au pouvoir et encore moins à faire l’indépendance, mais il n’en demeure pas moins un outil de promotion de l’indépendance particulièrement puissant.
#### La pertinence de l’indépendance.
La machine fédérale aura fait un excellent travail pour positionner la question de l’indépendance comme un projet de rêveur et comme une « vieille chicane » qu’il faudrait balayer sous le tapis. Pourtant, malgré tous les efforts et l’argent, les Québécois semblent incapables de vraiment s’attacher au Canada. La question linguistique continue de faire couler des quantités astronomiques d’encre, la question de la laïcité aura remis le Québec sur le chemin des conflits avec Ottawa et la pandémie aura vraisemblablement coûté plus cher aux Québécois que n’importe quels déficits projetés dans les prédictions budgétaires d’un Québec souverain dans les années 90 et 2000. Pire encore, malgré 16 années de gouvernance libérale, dont quatre de gouvernance excessivement fédéraliste, le Québec n’a jamais véritablement considéré une adhésion totale au Canada en signant la constitution de 1982. Dans un film particulièrement québécois et qui semble jouer en boucle depuis maintenant 60 ans, le Québec est incapable de choisir ce qu’il veut être, ce qu’il est et par le fait même se condamne à devenir quelque chose qu’il a toujours refusé : une province comme les autres. Il faut donc prouver aux Québécois que l’indépendance, au contraire d’être une vieille chicane, est une question fondamentale capable de mettre fin à cette incertitude, cet état constant d’équilibrisme et de jonglerie constitutionnelle. L’indépendance plutôt que d’être une vieille chicane est une solution pour mettre fin aux disputes constantes et aux luttes de pouvoirs entre Québec et Ottawa.
Il sera intéressant de voir comment le discours indépendantiste réussira à se moderniser et intégrer des questions qui n’existaient pas ou qui n’étaient pas fondamentales en 1995. Il suffit de penser à la question environnementale, aux accords commerciaux et les problématiques liées au vieillissement de la population. La fibre entrepreneuriale des Québécois s’est aussi développée et l’arrivée d’outils numériques permet à plusieurs jeunes de viser un mode de vie fort différent que leurs ancêtres. C’est donc une course entre les deux camps pour déterminer qui sera le plus en mesure d’avoir le projet de société le plus séduisant pour faire face aux défis d’aujourd’hui et de demain. Il n’en demeure pas moins que tant que l’indépendance du Québec ne sera pas faite, elle restera dans les débats et pourra ressurgir dès que la situation y est favorable.

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