Devenir un parent en pleine pandémie

**J’ai appris cet été que je deviendrais père vers la fin du mois de mars. Au moment où j’ai appris la nouvelle, le Québec était dans une accalmie relative, maintenant que la date approche, je ne peux m’empêcher de réaliser que, comme plusieurs, cet enfant verra le jour dans un monde drastiquement différent que nous aurions pu l’anticiper il y a un an seulement.**

Évidemment par moment, je me questionne si nous sommes responsables d’apporter un enfant dans ce monde dans de telles circonstances, mais les paroles d’un ancien collègue me reviennent alors en tête « La chute de Rome n’a pas empêché les gens d’avoir des enfants. » Ça permet de relativiser un peu quand même vous en conviendrez. Néanmoins, je pense que je ne serai pas le seul à trouver que la pandémie rend le stress d’un premier enfant plus grand. Les parents ne peuvent pas visiter et participer à la préparation comme ils l’auraient fait normalement, la sécurité financière, mais aussi physique est constamment remise en question et bien sûr, des petits détails comme l’impossibilité de suivre des cours prénataux en présentiel avec notre partenaire rendent l’aventure plus incertaine et inquiétante.
#### Pas les seuls dans cette situation.
Nous ne sommes pas seuls dans ce bateau, quand je regarde les statistiques des naissances en 2020, plus de 42 000 enfants sont nés après l’arrivée de la pandémie au Québec et ce chiffre continue de grimper. Ces 42 000 enfants, à l’image des enfants du grand verglas auront probablement des symptômes et des séquelles que notre société devra prendre en compte et tenter de comprendre. Le soutien aux parents de ces enfants sera crucial, le suivi dans les écoles tout autant et les places en garderies et CPE, autrefois vu comme un luxe par nos dirigeants, une priorité. Ce qui est frustrant en tant que conjoint et futur père, c’est l’impossibilité pour moi de véritablement protéger ma conjointe de ce stress et cette anxiété recouvrant le Québec et le monde tout entier. Contrairement au verglas, il n’y a pas de zone sécuritaire, pas de région où nos parents peuvent nous accueillir le temps qu’on rétablisse le courant. La pandémie agie comme un couvercle sur une marmite et nous fais prisonnier peut importe où nous nous trouvons. Dans cette situation, on se sent impuissant et bien petit face à l’ampleur de la situation.
#### L’importance des rites de passage.
L’un des aspects sous-estimés de notre vie sociale repose sur des rites de passage. La religion catholique occupait la large part de ces rites au Québec jusqu’à récemment et les religions en général occupent ce rôle. Je parlerai des rites que je connais, soit ceux de traditions catholiques pour expliquer mon propos. De mémoire je peux penser aux rites suivants dans la vie d’une personne au Québec. Le baptême comme rite célébrant la naissance et la venue au monde, les anniversaires célébrant le progrès vers l’âge adulte et la sagesse, le bal des finissants visant à célébrer la réussite académique et le passage de l’adolescence au stade d’adulte et bien sûr les mariages célébrants l’union de deux personnes. Finalement, les funérailles visant à souligner le passage de vie à trépas et facilitant le deuil. J’ai évidemment coupé la liste courte, mais vous remarquerez un point commun, la pandémie aura mis le frein à main sur tous ces rites. Il n’est pas surprenant que le moral soit bas dans la population et ce n’est pas pour rien que le premier ministre à fait une entorse pour l’Halloween et à tenter de sauver noël pour les citoyens avant de réaliser un peu trop tard que c’était impossible. Ces événements, ces communions sont fondamentales à notre vie sociale sans que l’on s’en rende vraiment compte.
C’est en pensant à tous les événements que nous n’avions pu faire pendant la grossesse de ma conjointe que j’ai réalisé cela. Pas de « shower » pas de grand-maman présente pour aider la nouvelle maman, les questions et les insécurités des nouveaux parents ne peuvent être répondues que par la froideur du téléphone et dénuer de cette chaleur humaine qui caractérise nos parents en temps normal. Ainsi je me demande qu’elles seront les effets sociaux de cette pandémie. Si les niveaux d’anxiété étaient déjà élevés avant la pandémie, ils atteignent maintenant de nouveaux records. Est-ce que cette insécurité, ce manque de contacts sociaux et l’accentuation de la numérisation de nos contacts sociaux et professionnels rendront l’épidémie d’anxiété et de mal-être encore plus sévère? J’ai du mal à être optimiste pour mon enfant à venir lorsque je regarde la situation, mais d’un autre côté je ne peux m’empêcher de repenser à ce que Cooper disait dans Interstellaire devant le constat que sa planète et ses habitants se mourraient. « On trouvera un moyen professeur. On a toujours trouvé. »