Frédéric Bastien, le candidat qui dérange

**S’il y a bien un candidat à la course à la direction du Parti Québécois qui fait bande à part, c’est Frédéric Bastien. Fervent nationaliste, il n’en demeure pas moins le seul candidat à s’opposer à la tenue d’un référendum dans un premier mandat et fait de la constitution son cheval de bataille. J’ai donc décidé d’assister à un rassemblement qu’il tenait à Québec pour en avoir le cœur net.**

Tout d’abord, il est impossible d’écouter un discours de monsieur Bastien sans être convaincu de la fougue de l’homme. Ses discours sont éloquents, mais surtout très percutants. Il garde toutefois un certain côté professoral lors de ses discours, particulièrement lorsqu’il parle de constitution. Toutefois, on sent qu’il n’est pas encore confortable à aborder tous les sujets et il ne s’en cache pas. Sa campagne est une campagne d’idées, construite autour d’un thème central. Le reste est secondaire et doit s’inscrire dans la lignée d’un nationalisme assumé.
#### Pas de clientélisme.
Un point marquant de la campagne de monsieur Bastien est qu’il refuse systématiquement de faire des promesses ou d’adapter une stratégie divisant la population en sous-groupes. Une stratégique qu’il juge contre-productive, mais surtout comme étant extrêmement problématique. Lorsqu’on lui pose la question, il explique assez clairement sa vision. Le concept de nation doit demeurer unificateur. Il ne doit donc pas parler à un sous-groupe de la nation, mais à son entièreté. Bien que je comprenne l’objectif et le raisonnement derrière cette position, je reste sceptique de la capacité d’une telle stratégie à percer. Surtout dans un contexte où le Parti Québécois semble exilé des grands centres urbains. Est-ce qu’une campagne construite autour du concept de la nation peut encore gagner le cœur des Montréalais?
#### Des positions fermes.
Un aspect qui rend Bastien aussi dérangeant pour plusieurs est sa capacité à paraître inflexible sur la majorité de ses positions. Farouche défenseur de la laïcité, il va jusqu’à mettre les magistrats et les institutions scolaires anglophones devant les projecteurs. Une situation que l’on voit normalement très rarement. Sa position identitaire, tant sur la laïcité que sur l’immigration, rend plusieurs péquistes modérés frileux, mais il est indéniable qu’il y a une clientèle pour un tel candidat et que de ramener ses questions au-devant de la scène pendant les débats ne pourra que permettre au PQ d’en sortir grandi. On voit déjà à quel point Sylvain Gaudreault doit défendre sa position des observatoires et la curiosité autour de la position de Guy Nantel s’attiser. De plus, Bastien force Paul St-Pierre Plamondon à prendre une position plus nationaliste s’il veut espérer l’emporter. Bref, par sa simple présence, Frédéric Bastien fait bouger le Parti Québécois et il dérange.
#### Le pari constitutionnel.
Néanmoins, malgré toutes ses positions controversées et son désir visible de faire l’indépendance, Frédéric Bastien promet de ne pas faire de référendum dans un premier mandat majoritaire. Une position qui l’isole des trois autres candidats et du mouvement grandissant au sein des jeunes péquistes voulant faire de l’indépendance le cheval de bataille du PQ. Monsieur Bastien fait le pari des négociations constitutionnel. En effet, le désir d’indépendance n’a jamais été aussi présent qu’après l’échec du lac Meech, mais le parti libéral de Robert Bourassa occupait le pouvoir à ce moment-là. Pour lui, les négociations constitutionnelles sont la seule issue. En cas de victoire, on fait des gains, on gagne des libertés ce qui n’est jamais une mauvaise chose, mais en cas de défaite, la campagne électorale suivant le refus du Canada deviendrait une campagne « bonbon » pour le parti. Il suffirait de pointer un énième échec de cette fédération qui ne veut pas de nous et promettre l’indépendance et le Parti aurait le vent dans les voiles. Évidemment, tout cela est dans un scénario ou les astres s’alignent pour monsieur Bastien et le Québec, mais il n’en demeure pas moins que cette proposition étapiste semble construite sur une logique solide. Une position pragmatique, considérant les circonstances, mais qui, encore une fois, dérange énormément au sein du PQ.
#### Quel avenir pour Frédéric Bastien?
Il semble improbable que monsieur Bastien remporte la course à la direction du Parti Québécois. Néanmoins, il se sera construit une notoriété et une réputation de bagarreur et de mordu constitutionnel. Des atouts qui pourraient être utilisés à bon escient par le vainqueur de la course si l’intérêt est mutuel évidemment. Son penchant nationaliste pourrait être utile pour ramener le PQ à l’ordre sur certaines questions et son franc-parler pourrait être vu comme rafraîchissant par la population. Le Parti Québécois et le mouvement indépendantiste en général n’a pas les moyens de tourner le dos à un homme d’une telle envergure et ayant contribué autant au mouvement. Son ouvrage sur le rapatriement constitutionnel de 1982 demeure un chef d’œuvre et un travail de maître considérant la censure qu’Ottawa avait mis en place pour empêcher l’accès à ces archives d’une importance capitale. J’espère que les instances seront en mesure de reconnaître la valeur de l’homme et ne pas tenter de le faire disparaître parce qu’il dérange trop.

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