**Alors que la pandémie semble perdre un peu de vigueur et que la santé publique travaille à augmenter la capacité de dépistage du Québec, les travailleurs et travailleuses de la santé et de la fonction publique semblent à bout de souffle. Un système trop lourd, une chaîne de commandement impossiblement longue et des organigrammes donnant le vertige semblent revenir souvent dans les critiques lorsque je questionne les travailleurs de la santé et de la fonction publique.**
Que ce soit la DPJ ou les fameux CISSS, la structure de la fonction publique québécoise est déficiente. Les employés sont moins bien payés que leurs homologues à Ottawa, les postes ne sont pas pourvus et les directions s’éloignent toujours plus de la réalité du terrain. Nous l’avons vu avec la pandémie, l’équilibre précaire que les années de compression budgétaire et de centralisations et réformes motivées politiquement n’étaient qu’une illusion maintenue par le travail acharné d’hommes et de femmes travaillant à guérir un système malade au prix de leur propre santé. Malheureusement, ce travail n’est plus suffisant, car la lourdeur du système et une hiérarchie occupée à satisfaire des objectifs politiques causent des dommages désormais impossibles à camoufler. La petite martyre de Granby aura été le coup de grâce de la DPJ, pourtant critiqué vivement par les juges et spécialistes depuis des années. La commission Laurent aura peut-être le courage d’enfin dénoncer un organigramme délirant où les cadres sont beaucoup trop nombreux et les intervenants surmenés.
#### Pas seulement la DPJ.
Si le problème d’une bureaucratie perdant les pédales, employant une quantité astronomique de cadres et dirigeants en période de pénurie de personnel et d’explosion des coûts administratifs n’était présent qu’à la DPJ, je ne ferais probablement pas une syncope et je laisserais la commission Laurent faire son travail. Hélas, cette situation est endémique dans la fonction publique au Québec et la commission Laurent n’a clairement pas le mandat pour s’attaquer à ce problème. Problème presque impossible à gérer par le gouvernement qui se ferait démolir médiatiquement comme faisant dans l’austérité, sabrant la fonction publique et réduisant les services aux citoyens. Destruction financée par les syndicats à même les cotisations de leurs membres à bout de souffle et qui serait probablement les premiers à vouloir un changement drastique pour améliorer leurs conditions de travail. Ce n’est donc pas une surprise de voir que le réseau de la santé aura souffert de la pandémie, trop d’officiers et pas suffisamment de combattants et une chaîne de commandement déconnectée de la réalité auront causé la catastrophe que l’on connait dans les CHSLD. La pénurie de personnel dénoncée depuis des années et forçant les rotations entre les établissements aura contribué à la contamination et semer la mort et la souffrance chez nos aînés. Nous devons retenir les leçons de cette crise, mais aussi se souvenir de la petite de Granby. Ces deux événements sont des projecteurs pointant sur la réalité inconfortable d’une fonction publique gangrénée et gravement malade.
#### Que faire?
Il est l’heure selon moi de faire la réforme de toutes les réformes. Il faut lancer une commission d’enquête sur la fonction publique et les cadres ayant comme objectifs d’analyser les besoins, les ressources disponibles et l’établissement de ratios-cadres/employés et employés/bénéficiaires. L’établissement de tels ratios répondrait à une demande de longue date des préposés aux bénéficiaires et infirmières et éviterait le problème d’une bureaucratie justifiant son existence en alourdissant inutilement les processus et interactions dans la fonction publique. De tels ratios éviteraient aussi un grand nombre de postes « fantômes » n’existant que pour donner un emploi à un ami du parti ou pour réduire artificiellement le taux de chômage dans une région. L’État n’est pas une compagnie privée certes, mais il n’est pas éthique de demander aux citoyens de payer pour une gestion volontairement inefficace des ressources limitées à notre disposition alors qu’il est possible de faire mieux. Le citoyen moyen ne profite aucunement de l’explosion actuelle des frais administratifs dans la fonction publique, dans le domaine de la santé et de l’éducation. Dans un contexte de reprise économique, de pénurie de main-d’œuvre et de vieillissement de la population. Il est crucial d’optimiser notre utilisation des ressources et de bien utiliser le levier historique le plus puissant pour notre population qu’est l’État québécois.
#### Une réforme syndicale à envisager.
Je ne suis pas un opposant des syndicats, mais il me semble évident que la situation actuelle est intenable pour les membres, mais aussi pour les centrales elles-mêmes. Les membres ne sont pas intéressés, ont du mal à être mobilisé et les gouvernements précédents ont forcé plusieurs corps de métiers à fusionner au sein du même syndicat. Ces fusions forcées causent des conflits d’intérêts importants et des frictions au sein des employés qui ne devraient pas exister. Pour cette raison, je crois qu’il est temps de réduire la taille des syndicats pour qu’ils ne puissent pas représenter des corps de métiers pouvant avoir des intérêts contradictoires. Une décentralisation du pouvoir gouvernemental s’accompagnant donc d’une décentralisation de la prise des décisions, mais aussi des négociations avec des syndicats plus près de leurs membres et plus en mesure de défendre les intérêts de leurs membres.
#### Une question de courage.
Toutes ces réformes sont possibles, mais elles seront incroyablement pénibles à mettre en place. Le gouvernement qui voudra mettre en place une telle commission d’enquête et mettre en place ses recommandations devra faire preuve d’un courage politique énorme et être prêt à vivre l’enfer médiatique. Toutefois, autant le coût sur ce gouvernement sera grand, autant le respect des générations futures et les bénéfices à long terme pour le Québec seront immenses. C’est le grand chantier du 21e siècle pour le Québec que d’organiser son État pour qu’il demeure un outil de création et de distribution de richesse et éviter l’érosion du modèle québécois.