La pertinence du Bloc Québécois

**Il n’est pas rare d’entendre les gens critiquer et remettre en doute la pertinence du Bloc Québécois à Ottawa. Que ce soit par des indépendantistes, convaincus que s’impliquer à Ottawa c’est admettre la défaite, par des fédéralistes qui remettent en question le droit d’exister du Bloc dans ces élections ou encore certains électeurs incrédules face à un parti condamné à travailler dans l’opposition. Le Bloc Québécois doit constamment démontrer qu’il a sa raison d’être et il répond à l’appel présentement.**

Si les élections de 2011 et la vague orange avaient pu faire dire à plusieurs que l’époque du Bloc Québécois était révolue, le retour en force en 2018 aura ramené plusieurs analystes à l’ordre. Un slogan incroyable par sa polyvalence et sa simplicité, un chef charismatique et frondeur, et finalement des circonstances électorales favorables auront permis au BQ de renaître de ses cendres et de montrer aux Québécois l’utilité de se donner une voix forte à la Chambre des communes.
#### Pas de compromis, seulement le Québec.
L’avantage du Bloc est qu’il n’a pas à ménager la chèvre et le chou. Pas besoin d’utiliser de doubles discours pour séduire l’Alberta avec son pétrole sale et le Québec ne voulant pas de pipeline. Nul besoin de choisir entre le secteur automobile de l’Ontario ou l’aluminium du Québec, car pour le Bloc le choix est déjà fait : c’est le Québec et rien d’autre. Un Bloc fort dans un gouvernement minoritaire, c’est ce qui se rapproche de plus de l’indépendance au moment d’écrire ces lignes. C’est d’avoir un droit de veto, si la balance du pouvoir repose entre les mains du BQ, c’est de pouvoir négocier comme si nous étions un pays, une nation distincte avec le Canada. En effet, avec un BQ avec la balance du pouvoir, le Canada ne peut pas simplement passer outre les volontés du Québec, il doit les considérer, négocier comme il le ferait avec n’importe quel autre état dans le monde. Cette situation permet de mettre fin à la relation de dominant contre le dominé, de vainqueur contre le vaincu. Elle place le Québec sur un pied d’égalité avec le Canada.
#### Pas besoin d’être au gouvernement pour avoir du pouvoir.
L’argument typique que l’on entend des critiques du Bloc Québécois est que le parti ne pourra jamais atteindre le pouvoir et seulement agir en opposition. C’est en partie vrai, car le Bloc ne pourra jamais, de manière réaliste, former le gouvernement. Toutefois, c’est un argument faible, car le Bloc n’a jamais eu comme prétention de former le gouvernement canadien. En fait, il considère ce gouvernement canadien comme une entité étrangère, il serait complètement farfelu de vouloir diriger un pays que l’on ne considère pas sien. Le Bloc mise sur le système parlementaire canadien pour obtenir des acquis, protéger le Québec et son autonomie et pouvoir faire des gains en monnayant ses votes en échange de politiques favorisant le Québec. C’est encore plus efficace que d’être au pouvoir lorsque le gouvernement est minoritaire, car le Bloc n’a pas à faire de compromis entre les provinces, n’a pas de compte à rendre au reste du pays et n’est pas la cible d’attaques constantes de l’opposition. C’est une forme de pouvoir plus discrète, mais oh combien efficace.
#### L’extension du pouvoir du Québec à l’international.
Le Québec par son statut de province n’est que trop rarement présent aux tables des négociations. En fait, il est carrément absent lors des négociations les plus importantes à sa vitalité économique et à la protection de sa spécificité culturelle. Il suffit de penser aux négociations entourant le renouvellement de l’ALÉNA, l’accord de libre-échange avec l’Europe ou tout autre accord de libre-échange pour se rendre compte de l’impuissance totale du Québec. En n’étant pas présent à la table des négociations, le Québec ne peut pas négocier pour ses intérêts et doit se contenter de ce qu’Ottawa voudra bien négocier. Ce sera le cas tant et aussi longtemps que le Québec demeure dans le Canada, mais il existe un moyen de réduire cette impuissance. En ayant une députation importante et potentiellement la balance du pouvoir, le Bloc devient en quelque sorte le négociateur en chef du gouvernement québécois. Il permet au Québec de défendre ses intérêts et de limiter les dégâts qu’Ottawa pourrait causer. On l’a vu avec le dossier de l’aluminium dans le nouvel ALÉNA où le Bloc était le seul parti à se battre pour le secteur de l’aluminium du Québec. Ce n’est pas là un discours d’indépendantiste convaincu, Robert Bourassa fédéraliste jusqu’à son dernier souffle, était bien au courant de ces avantages et appuyait non officiellement le Bloc Québécois. Ce n’est pas moi qui le dis, mais Lucien Bouchard!1
#### Se donner les moyens d’exister.
Il faut cesser d’espérer que le Canada ne reconnaisse l’existence de la nation québécoise, il faut d’abord se reconnaître nous-mêmes et se donner les moyens d’exister concrètement. Ça passe par se donner un vrai pouvoir et négocier d’égal à égal avec le Canada. Cesser d’accepter notre statut de subordonné et prendre notre place comme nation à part entière. Le seul moyen de faire cela est d’avoir un parti nationaliste, n’ayant que les intérêts du Québec à défendre à la Chambre des communes. Le seul moyen d’être nous-mêmes et de progresser c’est avec le Bloc Québécois.

  1. « Robert Bourassa et nous », 170.
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