Les vidéos et les appels à l’aide du personnel débordé par la quantité de malades, le manque d’équipement protecteur et l’incompétence chronique des gestionnaires de la santé se multiplient. Malheureusement, nous ne sommes pas au bout de nos peines et ces vidéos ne sont que le début d’une longue épreuve qui risque de remettre en question beaucoup de choses au Québec.
Le constat est alarmant, des préposés aux bénéficiaires abandonnées seules avec 40 patients pour une nuit, sans infirmières ou auxiliaires. Cette situation intolérable est pratiquement devenue la norme dans plusieurs établissements alors que le personnel ne se présente plus en raison de la maladie ou par écœurement face à la gestion pathétique de patrons qui sont inconscients de la réalité sur le terrain ou qui ne s’en soucient tout simplement pas. Dans un texte précédent, j’avais invité les Québécois à se regarder dans le miroir, à réaliser que ces politiques avaient pu être mises en place par leur indifférence et parce que le peuple avait laissé faire les dirigeants de l’époque. Il est clair, toutefois, que la situation est encore bien pire que ce que j’avais pu imaginer à l’époque et j’en viens à me dire que les Québécois ont certes pêché par leur indifférence, mais qu’ils ont aussi été victimes de ce que j’appellerai la trahison de nos élites. Depuis maintenant vingt ans que la situation dégénère et que personne ne réagit disons-nous, mais la réalité est plus sombre que ça, car depuis maintenant 20 ans que nos élites travaillent activement à ignorer le problème ou à simplement empirer la situation. Les réformes du ministre Barette dans le domaine de la santé se révèlent aujourd’hui au grand jour comme étant une vaste fraude visant l’atteinte d’objectifs politiques plutôt que des objectifs de santé. La centralisation à outrance, la création de postes fantômes, l’octroi de poste critiques à des gens sans expérience de terrain et la déresponsabilisation de tous les acteurs du réseau de la santé auront mené directement à cette catastrophe.
Non ce n’est pas normal.
Il n’est pas normal qu’une ministre responsable des aînés depuis plusieurs années et qui a été au gouvernement à trois reprises comme Marguerite Blais puisse jeter le blâme sur la société. Il n’est pas normal qu’un ancien ministre de la santé qui a activement saboté le système de santé, consenti des augmentations faramineuses à ses collègues médecins spécialistes se retrouvent encenser dans les médias parce qu’il vient aider dans un CHSLD et qu’il commente l’actualité sur twitter. Enfin, il n’est pas normal qu’il ait fallu une pandémie pour que le ministère de la Santé mette fin à la fameuse omerta empêchant les employés de lancer l’alerte et de montrer au grand public les résultats de leurs choix. Comment pouvons-nous demander des électeurs de faire un choix éclairé si le gouvernement cache activement les informations pouvant mettre son pouvoir en jeu? C’est précisément pour cette raison que ce fameux devoir de loyauté a été mis en place et il est plus que temps d’y mettre fin. Le Québec a placé sa confiance envers ses dirigeants pour que ces derniers les aident, pour améliorer leurs conditions de vie et celle de leurs enfants. Ces dirigeants, cette élite, a utilisé cette confiance pour les dépouiller et pour s’en mettre plein les poches et ça ce n’est pas normal n’y acceptable.La crédibilité du gouvernement est en jeu.
Si la situation est aussi grave, ce n’est pas la faute, plus spécifiquement, au parti en place depuis environ 1 an. Ce serait malhonnête de blâmer 20 ans d’échec et de sabotage sur un seul gouvernement qui n’avait jamais gouverné en plus. Toutefois, la crédibilité du gouvernement du Québec et de l’État québécois par extension est en jeu avec cette crise. Les citoyens regardent avec inquiétude comment leurs dirigeants navigueront ces eaux troubles, mais il est clair que le lien de confiance ne sera pas facilement réparé, particulièrement dans le domaine des soins pour personnes âgées. Toutefois, j’ose espérer que cette colère se traduise dans les intentions de vote et par une mobilisation sociale. S’il est indécent de blâmer entièrement la CAQ pour la situation, il est complètement raisonnable d’être outrée et de se sentir trahi par le parti libéral du Québec qui aura été le grand artisan de ces réformes qui coûtent aujourd’hui la vie à des milliers de gens et forcent des millions à vivre confinés. C’est peut-être la colère qui parle en ce moment, mais il me vient à penser certains jours qu’il faudrait une commission d’enquête sur les années aux pouvoirs du parti qui semblent avoir véritablement trahi ses citoyens par sa gestion incompétente, sa corruption et son copinage.Cette crise que nous vivons est historique, mais comme tout évènement majeur, il est impossible de l’analyser isoler. Il faut regarder en arrière, comprendre le chemin qui a été pris pour se rendre ici si l’on veut apprendre de nos erreurs. Cette hécatombe dans nos CHSLD, les suicides de personnes âgées craignant la souffrance, l’abandon et la perte de leur dignité doivent être considérés comme l’héritage néo-libéral des 20 dernières années et l’héritage libéral de Jean Charest et de Philippe Couillard ainsi que de leurs acolytes. Quand tout ça sera fini, j’espère que nous aurons le courage et la dignité de punir les responsables et de faire la lumière sur les dommages qu’ils ont causés lorsqu’ils ont trahi les Québécois.