La transition forcée de l’Alberta

**L’Alberta faisait, depuis plusieurs années, énormément de bruits pour forcer les provinces environnantes à laisser passer des pipelines transportant son pétrole en utilisant la fameuse péréquation et les mensonges populistes conservateurs pour attiser la hargne de leurs citoyens. Il semblerait toutefois que la réalité vient enfin de rattraper cette province qui commençait même à parler de séparation! **

Ce n’est un secret pour personne qui me connait ou me lit que j’ai un profond dédain pour l’attitude de matador de l’Alberta au sein de la fédération. Les mensonges, l’intimidation et le populisme qui pullule dans cette province me font souvent grincer des dents. Après plusieurs années à avoir été un allié du Québec notamment sur le libre-échange et jusqu’à la toute fin dans la crise constitutionnelle, l’Alberta a commencé à, non seulement, tourner le dos au Québec, mais à ouvertement faire ce qu’on appel du Québec bashing. Leur richesse soudaine provenant de l’exploitation d’un des pétroles les plus sales au monde justifiait leur place comme reine des provinces et justifiait leur attitude suffisante, voire insultante, dès qu’une province osait s’opposer à un projet de transport du pétrole sur son territoire. Le Québec, mais aussi la Colombie-Britannique auront fait les frais de cette attitude de gros bras, au point où l’Alberta et la Saskatchewan parlait de « couper les vivres » aux provinces récalcitrantes. Les prix élevés durant les années 2000 et le début des années 2010 auront fait oublier plusieurs réalités écologiques, mais aussi économiques à cette province isolée géographiquement et de taille très modeste démographiquement.
#### La réalité économique oubliée.
Tous les types de pétroles ne sont pas créés égaux et le pétrole albertain est l’un des meilleurs exemples pour illustrer cette réalité. Incroyablement polluant, lourd et surtout coûteux tant économiquement que pour l’environnement à proximité. Le pétrole albertain ou WCS en bourse est un pétrole qui nécessite des quantités faramineuses d’eau et d’énergie ainsi que d’énormes investissements technologiques pour assurer une production rentable. Tous ces facteurs font en sorte que le WCS coûte cher à produire pour finalement arriver à un produit de qualité inférieur. Faisons une comparaison rapide, produire un baril de pétrole bitumineux coûte, en moyenne selon les diverses sources que j’ai pu lire, environ 70$ le baril. Considérant que le prix d’un baril de pétrole saoudien coûte environ 10$ à 25$ à produire pour une qualité plus grande et que ces coûts sont semblables pour la plupart des joueurs du Moyen-Orient et même la Russie, que les coûts de transports et de transformations sont encore plus élevés pour le WCS que la plupart des pétroles extraits. Je demande, en toute honnêteté, quel est l’intérêt économique de continuer à engouffrer des milliards de dollars annuellement en subventions pour faire survivre cette industrie qui détruit l’environnement de l’Alberta et qui contribue à plus de gaz à effet de serre que le Québec au complet!
#### Un plan de sauvetage? Vraiment?
Quand j’entends parler le gouvernement Trudeau d’agrandir la capacité du pipeline Trans Mountain, de faire un plan de sauvetage pour l’industrie pétrolière le plus rapidement possible et de tenter par tous les moyens de garder l’économie albertaine dépendante du pétrole. Je me demande vraiment si je suis le seul à réaliser que nous reportons le problème à plus tard, simplement pour payer plus cher de toute façon. L’économie albertaine va mal, les finances publiques sont dans un piteux état et la principale source de revenus du gouvernement s’effondre lentement, mais surement. Le véritable plan de sauvetage ne devrait pas s’adresser aux pétrolières, mais bien à la province! Il faut un véritable plan de transition pour que l’Alberta ne devienne pas une immense province fantôme à l’image de ces villes fantômes, abandonnée une fois la mine pillée de tout son or. Ce plan coûtera cher, mais il est difficile pour moi de voir une plus belle occasion de le faire. Le pays est en crise et sera en crise économique probablement pour un bon moment, les taux d’intérêt sont extrêmement bas, le prix du baril est tellement loin de la rentabilité que sans intervention gouvernementale le secteur ferait faillite très rapidement et le taux de chômage risque d’être de l’ordre de 15% selon certains experts. Bref, il faudra investir pour créer des emplois, investir dans des infrastructures durables qui rapporteront plus que les intérêts que nous aurons contractés et investir dans des emplois payants qui pourront faciliter une transition de l’économie albertaine. Une tâche herculéenne j’en convient, mais au combien nécessaire tant économiquement qu’écologiquement.
#### Un retour sur terre qui va faire mal.
Malgré toutes les interventions possibles de la part du gouvernement fédéral, il n’en existe aucune qui permettra à l’Alberta de faire cette transition sans douleur. Après les années fastes et l’arrogance viennent les années plus pénibles et l’humilité. Ce retour du balancier fera mal à l’orgueil de plusieurs et motive encore des tentatives désespérées de sauver le secteur pétrolier pour maintenir l’illusion le plus longtemps possible. L’Alberta devra faire des choix déchirants et risque fortement de perdre de l’influence au sein de la fédération. Plusieurs provinces se souviendront de leur condescendance et leur arrogance lorsqu’ils étaient au sommet. Est-ce que ces provinces parviendront à mettre de côté la rancune ou voudront-elles passer un message en profitant de la situation pour remettre l’Alberta à sa place et accentuer l’humiliation?
Enfin, si le Québec est la province la plus touchée par le coronavirus en termes de cas, il n’est pas exclu de penser que l’Alberta sera la province la plus touchée à long terme par l’épidémie. Il sera intéressant de voir un gouvernement Libéral qui est pratiquement absent de l’Ouest canadien, se débattre pour sauver l’économie de l’ouest sans rendre furieux leurs électeurs à l’est au Québec et en Ontario.

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