Le véritable coût

**Dans un article intitulé La vraie question, Michel David remet en doute que la véritable question de la course à la chefferie du Parti Québécois soit : qui peut gouverner le Québec. Pour monsieur David, la véritable question se situe plutôt : « lequel serait le mieux en mesure de réintéresser les Québécois, en particulier les jeunes, au projet indépendantiste et de les convaincre que le PQ demeure le meilleur véhicule pour le réaliser […] » Une analyse que je trouve trop simple et négligeant plusieurs aspects importants.**

L’analyse de monsieur David n’est pas mauvaise, comme dans la plupart de ses chroniques, il touche à plusieurs points importants et plusieurs enjeux rendant cette course à la chefferie si importante. Il n’en demeure pas moins qu’il simplifie énormément les défis du Parti Québécois. L’indépendance est effectivement l’article 1 du Parti Québécois, l’indépendance est effectivement en grande difficulté, mais le Québec et le Parti Québécois peuvent-ils vraiment se permettre un parti idéaliste, unidimensionnel, vivant seulement d’indépendance et d’eau fraîche?
#### Il y a un prix à payer.
Le prix à payer pour le Parti Québécois à chaque élection où il ne forme pas le gouvernement n’est pas qu’un appauvrissement financier. C’est aussi une décrédibilisation de l’option souverainiste, une perte d’attractivité envers les jeunes militants n’ayant jamais connu un véritable gouvernement indépendantiste, mais c’est aussi une plus grande difficulté à attirer des candidats intéressants. En effet, peu de gens sont prêts à traverser les flammes d’une campagne électorale en sachant pertinemment qu’ils n’ont aucune chance de l’emporter. Cet appauvrissement du parti se reflète aussi sur l’option indépendantiste. Sans gouvernement pour faire des gestes de ruptures concrets, pour contester le régime fédéral et pour financer les études, les recherches et la promotion de l’idée d’indépendance tant au Québec qu’à l’international, l’option souverainiste décline continuellement. Ce déclin brutal, seulement 25 ans après la dernière tentative indépendantiste, s’est principalement accentué depuis la domination libérale et l’inexistence péquiste.
#### Un impact sur le Québec aussi.
Si l’option souverainiste décline et que le PQ ne parvient pas à former le gouvernement, le Québec dans son ensemble est touché. Nous avons un exemple frappant du véritable coût de l’absence du Parti Québécois comme une alternative viable au Parti Libéral. Seize années de déclin du français et de notre culture, seize années de médiocrité économique et de compressions budgétaires s’attaquant directement au modèle québécois. Les années libérales auront coûté cher au Québécois sur plusieurs aspects et demander au PQ de se réduire à un simple parti d’indépendance sans ambitions de gouvernance revient à condamner le Québec à une alternance entre le PLQ et la CAQ et espérer un miracle pour qu’un de ses partis osent confronter le statu quo de 1982 et se fasse dire non encore une fois. Au risque que la même chose qui s’est produite en 89 arrive à nouveau! Trop de temps entre l’événement déclencheur et le référendum et revoilà le cycle reparti.
#### Associer l’indépendance à du constructif.
Les partis fédéralistes ont continuellement réussi à sortir la cassette que les indépendantistes voulaient de la chicane, voulaient seulement contester et ne proposaient rien de constructif. L’indépendance aurait passé sa date de péremption selon eux. Dissocier l’indépendance de l’idée de gouvernance revient à jouer dans le jeu de ces partis. Il faut montrer aux gens que l’indépendance est constructive en soi, mais qu’elle peut aussi être accompagnée de changements positifs allant plus loin que les simples chicanes. Il faut réussir à montrer les limites d’un gouvernement provincial si l’on veut rendre concrètes ces limites et pour réussir cet objectif, il faut être le gouvernement. Il faut aussi que ce gouvernement souverainiste montre à la population que c’est en restant dans le Canada que l’on créer des chicanes, car on doit constamment négocier sa liberté, ses lois et ses normes. Alors que c’est mettre fin à ces chicanes que de pouvoir choisir nous-mêmes, d’avoir notre pleine liberté. De plus, un autre parti indépendantiste n’ayant nullement le potentiel ou même l’ambition de former le gouvernement existe déjà à l’Assemblée nationale, le Parti Québécois doit agir comme l’option souverainiste concrète, constructive et compétente.
En somme, il n’y a pas une seule question à cette course à la chefferie, mais bien une multitude de questions importantes. Qui pourra incarner le retour à la crédibilité du parti? Qui peut gouverner le Québec avant, pendant et après l’indépendance? Qui peut faire la promotion d’un projet ambitieux, important et concret? Il faudra que les membres du Parti Québécois se posent ces questions et pas seulement celle que monsieur David soulève s’ils veulent voir l’option indépendantiste revenir en force.

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