**La période pour obtenir les 2000 signatures et les 25 000$ requis pour être reconnu candidat est terminée pour la course à la chefferie du Parti Québécois (PQ). Sur les six aspirants initiaux, quatre auront réussi à relever ce défi hors-norme d’atteindre les gens en pleine pandémie : Sylvain Gaudreault, Paul St-Pierre Plamondon (PSPP), Guy Nantel et Frederic Bastien. Quatre candidats d’une grande qualité, mais surtout très différents dans leur approche et leurs idées.**
Bien que la situation actuelle du Parti Québécois soit peu reluisante, l’avenir semble porteur de bonnes nouvelles. En effet, pour un parti que l’on qualifiait de mourant ou même de mort, on se bouscule pour en prendre la tête et le niveau des candidats est très intéressant. Alors que le Parti Conservateur semble avoir du mal à voir sa course véritablement prendre son envol, que le Parti vert du Canada ne réussit pas du tout à obtenir l’attention médiatique et que le Parti Libéral du Québec a vu sa course se transformer en couronnement. Le Parti Québécois va pouvoir proposer des débats hauts en couleur et démontrer la diversité des idées en son sein. Un brassage d’idées qui ne peut que faire le plus grand bien à un parti qui représentait autrefois la grande coalition pour l’indépendance, mais qui a vu le consensus s’effriter après des années de vaches maigres et un pouvoir toujours plus distant.
#### Le retour de l’indépendance?
Tous les candidats sauf Frederic Bastien se sont prononcés pour un référendum dans un premier mandat majoritaire du Parti Québécois. Guy Nantel allant même jusqu’à le promettre dans la première moitié de ce fameux mandat. La course aura donc le bénéfice de réhabiliter l’idée de l’indépendance au sein du parti. En effet, depuis plusieurs années, le parti souffrait d’un inconfort lorsqu’il fallait aborder la question publiquement : Conditions gagnantes, deuxième mandat, étapisme ou simplement le discours du meilleur gouvernement. Plusieurs indépendantistes convaincus ont été désabusés par cette période floue au PQ et ont rejoint la Coalition Avenir Québec ou Québec solidaire (QS). En effet, QS s’est dit en faveur de l’indépendance officiellement lors de la dernière campagne, ce qui a pu attirer les plus jeunes ou les indépendantistes moins nationalistes. À l’inverse, les indépendantistes nationalistes désabusés ont rejoint la CAQ pour déloger le gouvernement Couillard qui s’avérait incapable de faire preuve du moindre nationalisme. Retournons au PQ toutefois, chaque candidat avance sa stratégie pour mener le Québec à la terre promise et refaire du Parti le vaisseau amiral de l’indépendance. Gaudreault veut un Québec plus vert et ambitieux économiquement, mais semble être le candidat le moins nationaliste des quatre avec une vision plus consensuelle sur plusieurs enjeux comme l’immigration et la laïcité. PSPP propose une refondation du camp du Oui et des mesures musclées pour le français et il critique énormément le modèle multiculturaliste canadien. Une candidature plus centrée sur les enjeux sociaux dans son cas. Guy Nantel reste un candidat mystérieux pour moi, ses déclarations sur l’absence de drapeaux du Québec à la fête nationale semblent montrer un côté nationaliste prononcé, mais il n’a pas pris position sur beaucoup de sujets. Sa promesse de rendre l’éducation gratuite dans son ensemble après l’indépendance reste intéressante, mais on attend le reste. Quant à Frederic Bastien, sa position sur l’indépendance en fera un débatteur intéressant. Partisan d’une négociation constitutionnelle dans un premier mandat et d’un référendum dans un second, Bastien est très critique de la fièvre référendaire des autres candidats et il le fait savoir. Fermement nationaliste, il s’est positionné comme étant le candidat de la laïcité et fait de la protection de la loi 21 son enjeu principal. Sa position sur la réduction de l’immigration et l’abolition des accommodements religieux risque d’en faire un candidat très clivant, mais intéressant.
#### Le PQ peut-il gagner 2022?
Selon moi, peu importe le chef élu par les membres, le Parti Québécois ne pourra pas gagner les élections de 2022. La CAQ est trop populaire et il faudrait une catastrophe politique remarquable pour ouvrir la porte au PQ. Néanmoins, le futur chef doit pouvoir être présent et avoir la confiance des membres à long terme. Il faut donc que le Parti Québécois fasse des gains et construise un momentum pour 2026 (ou avant dans le cas d’un gouvernement minoritaire) et surtout éviter de demander la tête du chef après l’élection de 2022. Il faut donc se demander qui peut répondre aux critères suivants : Stabilité sur le long terme, leadership, capacité à améliorer la popularité du PQ et finalement la capacité de faire l’indépendance. Voici mon analyse des différents candidats selon ces critères.
- • Sylvain Gaudreault répond aux critères entourant la longévité et la stabilité. Son expérience politique est un atout et son équipe est compétente et motivée. La vitesse à laquelle il a obtenu les signatures requises devrait servir d’avertissement sur sa force de frappe. Le fait qu’il soit déjà député favorise une critique rapide et coordonnée tant du gouvernement que du Canada. Toutefois, Sylvain est aussi le candidat que plusieurs associent à la vieille garde qui n’a pas su mener le parti à bon port par le passé. Que cette critique soit valide ou non, elle n’en demeure pas moins potentiellement dévastatrice.
- • Paul St-Pierre Plamondon répond positivement aux critères du long terme et de popularité. Son charisme est indéniable et ses capacités d’orateur sont un atout. Son manque d’expérience politique en tant qu’élu et l’absence d’un rôle majeur de leadership lui donnent un côté « outsider » qui peut autant séduire qu’effrayer. Son slogan et son accent marqué sur l’indépendance ajoutent à son caractère fougueux qui en intrigue et attire plusieurs.
- • Guy Nantel est la carte cachée de cette course, impossible de véritablement évaluer ses capacités de leadership ou son potentiel de stabilité à long terme. Il est impossible de nier sa capacité à améliorer l’attractivité du PQ auprès de la population et la visibilité qu’il fournit au mouvement souverainiste par sa notoriété. Comme PSPP, il donne une apparence de renouveau qui peut l’amener à la victoire s’il joue bien ses cartes, ou le couler s’il trébuche trop souvent.
- • Frederic Bastien est le candidat qui risque le moins de gagner selon moi. Sa position peu orthodoxe sur le référendum et son nationalisme mordant en font un candidat clivant, mais qui pourrait aller chercher une partie de l’électorat caquiste. Il semble peu probable que Bastien puisse augmenter la popularité du PQ drastiquement. Sa capacité à faire l’indépendance, alors qu’il désire passer par des négociations auparavant, semble limitée. Toutefois, Bastien est un homme qui milite au PQ depuis longtemps et son travail d’historien a grandement aidé le mouvement indépendantiste. Il ne fait aucun doute pour moi qu’il est amplement en mesure d’être un chef sur la durée. Son leadership reste cependant une zone grise à mon avis.
Bref, peu importe qui remportera la course, le Parti Québécois ne risque pas de sombrer dans l’oubli et la course risque de raviver des débats que nous pensions morts et enterrés. L’avenir semble parsemer d’embûches pour le Parti, mais les opportunités sont nombreuses. Il faudra simplement savoir saisir ces dernières lorsqu’elles se présenteront.