Nul n’est prophète en son pays

**Les récents événements semblent tout droit sortis d’un mauvais film sur le déclin d’un grand empire. Des universités « décolonisant » leur programme de littérature en se drapant du progressisme, un jugement de la cour supérieure statuant que des termes comme mère, père, hommes et femmes sont discriminatoires envers les personnes non binaires et finalement, un excellent article, encore une fois, d’Isabelle Hachey sur le déclin de la liberté d’expression et d’enseignement sur les campus au profit d’une minorité radicalisée.**

Une semaine décourageante pour toute personne adepte du gros bon sens, mais étrangement satisfaisante, ironiquement, pour une figure médiatique bien connue au Québec. Un chroniqueur souvent accusé des pires maux de la terre et victime de menaces, d’intimidation et de « deplatforming » ou simplement de censure par voie d’intimidation si l’on traduit l’intention derrière le mot. Souvent conspué au Québec, il est pourtant fort apprécié en France où il accorde des entrevues à divers médias et affronte lors de débats : Éric Zemmour, Bernard Henri-Lévy ou encore David Engels. Un contenu impossible à obtenir, ou presque, dans l’univers médiatique très pauvre intellectuellement du Québec.

Vous aurez peut-être deviné que je parle du sociologue, auteur et chroniqueur Mathieu Bock-Côté. Nul doute que l’homme est fondamentalement choqué de voir de telles dérives avoir lieu au Québec et un peu partout dans le monde, mais j’aime à penser qu’il regarde les manchettes avec un sourire en coin. Auteur de plusieurs livres très intéressants et pertinents : L’empire du politiquement correct, le multiculturalisme comme religion politique, le nouveau régime et, il y a maintenant treize ans, dénationalisation tranquille. Mathieu Bock Côté s’est engagé au front face à ce qu’il dénonce comme un phénomène de colonisation mentale et d’importation culturelle américaine. C’est-à-dire le racialisme et la structuration de la société en groupes de revendications. Une sorte de clientélisme malsain, une balkanisation de la population en groupes hétérogènes n’ayant aucune racine à la nation et à l’identité collective. En somme, des clients, des consommateurs de biens et services et des payeurs de taxes. Il dénonce avec véhémence cette idée du pays postnational, de l’Homme sans frontières ni racines, une aberration en provenance de la religion du multiculturalisme d’état avec, à sa tête, le Parti Libéral du Canada et son visage, Justin Trudeau.

Non content de s’attaquer à ces sujets hautement épineux, notre bon sociologue s’est aussi donné comme mission de défendre la liberté d’expression et la liberté académique qu’il juge en grave danger en raison d’une nouvelle censure : le politiquement correct. Terme flou vous en conviendrez, le politiquement correct passe du simple savoir vivre devant les caméras et micros à l’autocensure et la peur constante d’émettre une opinion contraire à la dernière tendance progressiste. Cette définition floue permet d’ailleurs une diminution graduelle, mais constante de l’espace acceptable des idées et des paroles pouvant être exprimées sur la place publique et dans la sphère politique. Il suffit de penser au seuil d’immigrations, sujet tabou par excellence au Québec, où l’emprise du politiquement correct rend toute discussion vers une diminution inacceptable, intolérante, indigne, etc.
#### Le canari dans la mine.

Si ces critiques de la part de Mathieu Bock-Côté ne passent pas très bien au sein de plusieurs personnes et lui valent un certain dédain au sein du milieu culturel et médiatique, il n’en demeure pas moins un auteur et un débatteur aguerri. Demandez à Dany Turcotte et l’équipe de Tout le monde en parle s’il est facile de débattre ou même d’offrir une résistance à Mathieu Bock-Côté. Néanmoins, malgré l’importance et la pertinence de ses ouvrages, deux événements majeurs auraient dû sonner l’alarme pour plusieurs.¨

Premièrement, l’annulation d’une conversation intellectuelle entre le sociologue et le philosophe Louis-André Richard après que le SPVM ait a rapporté à la librairie, où se tenait la conversation, des menaces à l’égard de l’auteur. Une situation que l’on croyait étrangère au Québec qui est généralement assez paisible politiquement (sauf quand on parle de souveraineté et de constitution). Pourtant, Normand Baillargeon, philosophe très connu au Québec avait tiré la sonnette d’alarme dès 2017 dans une entrevue avec Corde sensible qui avait validé ses craintes dans un excellent travail d’enquête.

Enfin, le signal le plus puissant de la progression fulgurante de cette rectitude politique à outrance nous fût offert lorsque l’association des libraires s’est pliée aux demandes de quelques extrémistes demandant le retrait de la liste de lecture du premier ministre François Legault contenant L’empire du politiquement correct. Après des commentaires outrés de plusieurs membres du cabinet du premier ministre et du public, la liste et la vidéo furent réintégrées. François Legault disant de la décision de l’ALQ « On va se le dire franchement : la décision de l’Association des libraires du Québec de retirer mes suggestions de lecture, ça n’avait pas de bon sens. On ne peut pas accepter qu’une poignée de militants radicaux piétinent notre liberté d’expression pour défendre leurs dictats. Ça va beaucoup trop loin. »

Si le premier ministre avait des doutes sur certaines conclusions de l’auteur, gageons qu’il a dû y repenser à deux fois avant de rejeter les conclusions du sociologue du revers de la main et qu’il en va de même pour plusieurs citoyens.
#### Le désaccord est sain.

Évidemment que Mathieu Bock-Côté est une figure publique controversée. Évidemment qu’il est normal de ne pas être d’accord ou même de ne pas apprécier son travail, mais il est vital que ce désaccord soit entretenu, car il est sain pour la démocratie et le marché des idées au Québec. Il est important pour le mouvement nationaliste et la droite d’avoir une présence médiatique, mais surtout intellectuelle. Trop souvent, les figures populaires de droite se retrouvent emprisonnées dans des rôles de polémiste caricaturale, faisant volontairement dans l’excès pour aller chercher des cotes d’écoutes et des clics. L’exemple de Fox News est frappant en ce sens.

Par ses chroniques, mais aussi ses livres, Mathieu Bock-Côté permet aussi l’arrivée d’une nouvelle génération d’intellectuels nationalistes au Québec. Il suffit de penser à Étienne-Alexandre Beauregard avec qui nous prenons plaisir d’échanger sur notre balado, Philippe Lorange, auteur du manifeste contre le dogmatisme universitaire. Cette influence, cette propagation des idées est saine et il est important pour le mouvement nationaliste, pour la droite de cultiver ce genre de personnalité public et de prioriser ce genre d’intervenant plutôt que de se laisser dominer et se retrancher dans le sensationnalisme, le polémique et la caricature populiste.

Vivement de la diversité d’opinion et des gens capables d’argumenter. Vivement un véritable débat d’idées au Québec, dans notre sphère médiatique et non plus seulement des célébrités invitants leurs amis sur des plateaux télé. Il faut de toute urgence réapprendre à débattre et à être en désaccord, il en va de notre démocratie et de la santé de notre nation. Pour ces raisons et plusieurs autres, je remercie Mathieu Bock-Côté pour son travail et son endurance face à ce flot constant de haine et de mépris.
#### Sources.

https://www.lapresse.ca/actualites/2021-02-06/au-dela-du-mot-qui-commence-par-un-n.php
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1753388/lectures-premier-ministre-quebec-mathieu-bock-cote-alq
https://www.tvanouvelles.ca/2019/04/26/une-conference-de-bock-cote-annulee-a-cause-de-menaces-1
https://www.journaldemontreal.com/2021/02/05/vers-leffacement-de-la-mention-de-sexe
https://www.bbc.com/news/uk-england-leicestershire-55860810

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